Une séparation conjugale comporte des enjeux d’attachement importants pour les enfants en bas âge. Ces particularités doivent être prises en compte dans le choix de la garde de ces enfants.

Par Me Louis Baribeau, avocat et médiateur familial

19 % des jeunes enfants, de leur naissance jusqu’à 5 ans, vivent dans une famille monoparentale ou recomposée, selon l’Enquête sociale générale de 2015 publiée par l’Institut de la statistique du Québec[1]. La détresse vécue par eux en bas âge dans un contexte de séparation parentale peut avoir un impact, à l’âge adulte, sur leur personnalité, leur capacité de faire confiance, leurs attentes dans leurs relations et leur habileté à gérer les changements, selon les chercheurs Wallerstein, Lewis et Blakeslee[2]. La séparation de leurs parents est une expérience qui s’intensifie pour eux avec les années et atteint un crescendo à l’âge adulte.

On ne peut pas éviter à ces enfants de subir les conséquences de la séparation de leurs parents, cependant un choix judicieux quant aux modalités de garde peut amoindrir les effets de la séparation, conflictuelle ou non, ou de l’absence d’un parent sur le développement des jeunes ou très jeunes enfants.

Qui décide de la garde des jeunes enfants?

Les deux parents ont à décider ensemble du type de garde pour leur enfant. La personne qui s’occupe principalement de l’enfant n’a pas plus de droit que l’autre parent à cet égard. En cas de mésentente, il est fortement conseillé aux parents de prendre rendez-vous en médiation ou de demander conseil auprès d’un juriste pratiquant en droit de la famille. En désespoir de cause, si tous les efforts pour s’entendre ont été vains, un des parents peut s’adresser à la Cour supérieure qui tranchera le litige en décidant des modalités de garde et d’accès.

Selon quels critères?

Du point de vue éthique, les enfants, et plus particulièrement les enfants en bas âge, sont des personnes vulnérables. Pour cette raison, leur intérêt doit être le principal critère dans la prise de toute décision les concernant. Ce principe été incorporé dans nos lois sur la famille. Déterminer l’« intérêt d’un enfant » revient  à se demander quels sont ses besoins.

Il n’est pas facile de reconnaître les besoins particuliers des jeunes ou très jeunes enfants, étant donné leur difficulté à les exprimer clairement.

La juge Claire L’Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada, lors d’une conférence portant sur les effets de la séparation sur les enfants[3], s’était exprimée ainsi : « […] nous devons rester attentifs au comportement et autres signes de détresse et/ou de bien-être; nous assurer que nous plaçons leurs besoins les plus fondamentaux parmi nos préoccupations, comme celles touchant à leur sécurité et aux aspects nourriciers » [traduction]. C’est pourquoi un principe de précaution devrait prévaloir dans les décisions des parents.

L’adaptation de l’enfant « à l’environnement doit suivre l’évolution naturelle de son développement et non lui être imposée », indiquait le juge Maughan, dans l’affaire D. (I.) c. P. (P.).[4]. Faute de pouvoir se référer aux besoins exprimés par l’enfant, il nous faut nous baser sur les connaissances actuelles sur les étapes du développement des enfants. C’est pourquoi les recherches en psychologie et les opinions d’experts sont souvent utilisées pour aider les parents ou les tribunaux à décider quel type de garde est dans son intérêt.

Dans quels cas, devrait-on privilégier la garde exclusive à la mère ou au père ou bien mettre en place une garde partagée? Quelles modalités d’accès répondent le mieux aux besoins des jeunes enfants? Quelles modalités de garde partagée favorisent leur meilleur développement? 7/7 jours? Des séquences de 5/2/2/5 jours ou 3/2/2/3 jours?

Avant de fournir des pistes de réponses à ces questions, tentons de comprendre le mécanisme de l’attachement qui joue un rôle si important dans le développement des jeunes enfants.

La théorie de l’attachement

L’attachement est une recherche naturelle de proximité affective de l’enfant avec au moins une personne qui lui prodigue des soins et réponds à ses divers besoins, physiologiques, de stimulations sensorielles ou sociaux. La raison d’être de ce lien est d’assurer à l’enfant qu’il reçoit une réponse stable à ses besoins, accroissant ainsi ses chances de survie. Cet attachement est généralement réciproque.

« Personne ne contestera que c’est grâce à une relation continue avec une figure parentale stable, et accessible, que l’enfant construira un sentiment de sécurité interne qui lui permettra par la suite de développer des attachements appropriés avec diverses personne, et ne pas vivre d’angoisse de séparation », indique Francine Cyr[5].

L’enfant construit, à travers ce lien, un sentiment de sécurité qui le supportera dans son exploration du monde extérieur et le développement de son autonomie. Ce lien l’aidera à structurer sa personnalité pour relever les défis de la vie et s’adapter socialement. Autrement dit, le type d’attachement développé dans les premiers mois de sa vie servira de modèle à ses relations sociales et intimes.

La place des pères et des mères

Il est de l’intérêt d’un jeune enfant qu’il développe dès le début de sa vie une relation significative et harmonieuse avec chaque parent. Un lien d’attachement se crée avec les deux parents, dès la première année de leur vie, s’ils sont présents et attentifs tous les deux aux besoins de l’enfant.

Selon William F. Hodges: « Nous avons des raisons de croire que l’enfant peut facilement tolérer des contacts fréquents avec les deux parents, si chaque parent a des contacts quotidiens ou presque quotidiens avec l’enfant. Dans ces conditions, l’enfant s’attachera aux deux parents »[6] [traduction].

L’enfant peut développer un lien d’attachement avec plusieurs personnes, mais entre 3 mois et 12 mois, il privilégiera l’attachement avec la personne dont les soins sont continus ou constants.

Le père peut être la principale figure d’attachement de l’enfant, mais c’est rare en pratique. La mère occupe généralement et naturellement cette position en raison du lien biologique qui l’unit à l’enfant pendant la grossesse et parce qu’elle nourrit et prends soin de lui après la naissance.

Le père n’a pas seulement un rôle de soutien auprès de la mère. Il « joue un rôle de première importance dans le développement de son enfant dès la première année », considère la cour dans l’affaire D. (I.) c. P. (P.).[7] « Il est important que les liens d’attachement (en anglais le « bonding ») s’établissent entre le père et l’enfant le plus tôt possible », écrit le juge. Cela facilitera le travail du père d’aider plus tard l’enfant à développer son autonomie en prenant une distance face à sa mère et pour le supporter dans le développement de ses activités motrices.

Des droits d’accès courts et fréquents du parent non-gardien sont suffisants pour permettre au jeune enfant de créer des liens d’attachement.

La mère ne conserve pas l’avantage d’être la principale figure d’attachement pendant les six premières années de la vie de l’enfant, de l’avis de la chercheure Francine Cyr. « Le poids donné au biologique par rapport à celui accordé à la transmission des rôles sociaux nous semble ici exagéré. Les pères, s’il leur en est donné la possibilité, sont parfaitement en mesure d’offrir une présence et une disponibilité parentale stable, rassurante et sensible aux besoins de l’enfant », écrit-elle.[8]

Les effets des pertes

« Les abandons, les pertes, les séparations, la négligence ou la situation d’abus survenant à un mauvais moment de la vie de l‘enfant, qu’elle soit courte ou longue, sont susceptibles de produire des effets à long terme sur la construction du modèle interne de l’enfant », souligne le psychologue Frédéric Laterrière dans un article sur l’attachement des jeunes enfants[9].

Toute situation de stress ou d’inconfort active le système d’attachement et crée chez le jeune enfant un besoin de rapprochement, selon le Dr Yvon Gauthier, pédopsychiatre et professeur l’Université de Montréal[10], lors d’une formation donnée à Québec en 2012, aux membres de l’Association des familialistes. La brisure du lien ou la seule menace de briser le lien d’attachement crée chez l’enfant une perte qui engendre des sentiments d’angoisse, de colère ou de tristesse. Lorsque l’absence d’un parent cause de l’anxiété à l’enfant, il faut redoubler d’attention envers lui pour compenser son sentiment de perte.

Les trois types d’attachement du jeune enfant

Mary Ainsworth, psychologue chercheure pionnière dans le domaine de l’attachement a classifié l’attachement en 3 catégories.

Attachement sécure : l’enfant développe un sentiment de confiance dans sa relation au parent disponible, constant et prévisible dans sa réponse à ses besoins; l’enfant est à l’aise d’exprimer sa détresse s’il craint la perte du lien; ce type d’attachement donne à l’enfant la confiance nécessaire pour explorer le monde qui l’entoure;

Attachement insécurisé : ces enfants « éprouvent des difficultés à utiliser leur figure parentale comme base de sécurité », indique le psychologue Frédéric Laterrière[11]. Ils sont de deux types.

  • Type évitant: ils expriment peu leur détresse et concentrent les moments d’exploration de leur environnement en présence du parent pour qui ils ressentent de l’attachement;
  • Ambivalent: ils ont des difficultés à explorer l’environnement en présence du parent auquel ils sont attachés. « Ils vont maintenir une proximité relationnelle en exprimant leurs émotions négatives de manière exagérée », selon Frédéric Laterrière[12].

Attachement désorganisé : l’enfant perçoit son parent comme une source de détresse. Il a intégré en lui un modèle d’attachement disfonctionnel. Il veut entrer en relation avec des personnes, mais ne le fait pas « car il craint l’abandon et la non-réponse de l’autre », note le psychologue Laterrière[13]. Ces enfants vivent des difficultés dans leur adaptation au monde.   

« Plus l’attachement est de qualité, plus l’attachement est sécure, plus cette phase passe bien, indique le Dr Gauthier lors de sa formation. Plus l’attachement est insécure et ambivalent, plus on observe des comportements oppositionnels et agressifs. »

Un attachement solide de l’enfant lui procurera, à l’âge préscolaire, scolaire et à l’adolescence, une confiance de réussir. Cela se traduira par des qualités de persistance, une résistance au stress, des compétences sociales et du contrôle sur son environnement.

L’enjeu de l’éloignement du parent pourvoyeur de soins

Avant de pouvoir se détacher, l’enfant a besoin de pouvoir conserver en lui, une représentation stable de sa principale figure parentale d’attachement. Sans cette capacité de représentation stable (qu’on appelle la permanence de l’objet ou ce que Piaget nomme la fonction symbolique), l’enfant dès la séparation d’avec sa principale figure d’attachement pourra ressentir de l’abandon. L’acquisition de cette fonction symbolique (qui sera complétée entre 18 et 24 mois) permettra à l’enfant de passer des périodes de plus en plus longues loin du principal pourvoyeur de soins sans anxiété de séparation, s’il se sent sécurisé par la personne qui s’occupe de lui au cours de ces sorties.

Le jeune enfant a besoin de stabilité, de sécurité et de régularité dans son environnement. Les changements dans son environnement peuvent lui faire vivre des sentiments d’anxiété et d’insécurité auxquels il peut difficilement faire face seul. « Il est plus vulnérable aux nombreux changements et déplacements dans sa vie quotidienne qu’un enfant plus âgé », mentionne le juge Maughan[14]. Ce n’est qu’en avançant en âge, qu’il apprendra à s’adapter aux changements et à faire face à des situations de plus en plus complexes et changeantes.

Durant cette période de transition, l’utilisation d’objets reliés à la principale figure d’attachement contribuera au début des périodes d’éloignement à sécuriser l’enfant.

L’enfant qui est séparé du parent qui est sa principale figure d’attachement traversera trois phases, selon Frédéric Laterrière[15].

Protestation : devant certaines situations, l’enfant est persuadé que son lien avec la personne est en danger. Il ressent de l’angoisse. Il exprime son désaccord, pleure et crie, appelant à être réconforté. 

Désespoir : l’enfant ne pleure plus et ne crie plus, semblant n’avoir aucune émotion et aucun intérêt envers le monde extérieur.

Détachement : l’enfant ne veut plus d’aide et veut être indépendant, il ne réagit plus à son environnement.

Un mauvais choix de garde peut compromettre un attachement sain. Voici quelques principes identifiés dans des recherches en psychologie à prendre en compte dans le choix de la garde.

Parents en conflits

Une grande prudence est de mise lorsque les parents sont en conflit ou que leurs communications sont déficientes.

Le Dr Yvon Gauthier recommande dans ces cas d’éviter la séparation d’avec la mère au moins jusqu’à 3 ans. Mais si les communications parentales sont élevées, de courtes périodes de séparations peuvent être bien tolérées, selon lui. 

Ajustement de la garde en fonction des besoins de l’enfant en bas âge

La fréquence et la durée des accès devront être ajustés en fonction des besoins de l’enfant. La sensibilité et la capacité des deux parents à décoder les signaux de l’enfant montrant un sentiment d’abandon, leur capacité à partager ces informations et à réconforter l’enfant lorsqu’il en a besoin feront une grande différence pour le développement harmonieux de l’enfant.

Conseils aux ex-conjoints

Au parent qui reprend contact avec un enfant de zéro à 3 ans

Comme l’attachement se développe durant la première année de vie, si un parent n’a pas été suffisamment présent durant cette période ou s’il y a eu une rupture de contact prolongée ayant affecté le lien d’attachement, il sera vu comme un étranger par l’enfant. « Remettre l’enfant au parent absent constituera une demande d’adaptation majeure pour ce dernier qui peut nuire au développement de l’enfant »[16], indique M. Frédéric Laterrière, psychologue.

La réunification devra être très progressive – quelques heures à la fois au début – avec beaucoup de douceur et de sensibilité. Si le parent n’est pas disponible émotionnellement, « le nouvel attachement ne pourra qu’aggraver les conséquences développementales attribuables à l’abandon et à la perte »[17], explique le psychologue. L’enfant de plus de 18 mois, en particulier, devra faire l’objet de beaucoup de présence et d’attention.

Aux parents ayant à établir la garde d’un enfant d’un enfant ayant zéro à 6 mois

L’enfant de cet âge se trouve en situation de dépendance physique totale, fait remarquer M. Laterrière. « Il ne sera en confiance que lorsque quelqu’un répondra rapidement à ses besoins avec constance et prévisibilité »[18], écrit-il. Les accès du parent qui n’est pas le principal ou un des principaux pourvoyeurs de soins doivent être brefs et fréquents.

Aux parents ayant à établir la garde d’un enfant ayant 7 et 18 mois

Si le parent non-gardien a eu initialement des contacts brefs avec le bébé, les visites devraient être courtes, mais fréquentes pour permettre à l’enfant de devenir familier graduellement avec le père. C’est l’opinion du chercheur William F. Hodges[19] en parlant des enfants de 6 à 12 mois.

Plus l’enfant vieillit, plus on peut étirer les visites du parent non-gardien et les sorties chez lui. Les accès doivent continuer à être fréquents et progressifs. L’enfant continue d’avoir besoin d’un environnement physique et relationnel stable. Au fur et à mesure que l’enfant développe la capacité de se faire une représentation mentale des objets et des personnes qui l’entourent (ce qui sera acquis entre 18 et 24 mois), il peut commencer à s’éloigner de sa principale figure d’attachement ou de ses figures principales d’attachement.

En général, il est préférable d’attendre un certain âge avant d’installer une routine de coucher à l’extérieur de la résidence du parent gardien. Selon Hodge[20], avant 18 mois, les couchers d’une nuit chez le parent non-gardien ne devraient pas être privilégiés. Il les suggère seulement dans des circonstances particulières, par exemple, lorsque les parents sont séparés par des distances importantes ou bien lorsque l’objectif est de consolider le lien d’attachement avec le parent gardien.

Phillip Michael Stalh[21] est du même avis en ce qui concerne les nuitées à l’extérieur avant 18 mois. Étant donné que le développement de l’autonomie de l’enfant est la principale tâche des parents de 18 mois à 3 ans, il pense que le plan parental devrait prévoir une augmentation graduelle du temps passé avec l’autre parent en commençant par des nuitées de temps en temps.

Les réactions de l’enfant doivent être observées et la fréquence des accès ajustée en tenant compte de l’anxiété vécue par l’enfant.

Aux parents ayant à établir la garde d’un enfant ayant 2 à 5 ans

L’enfant demeure dépendant et a besoin, idéalement, de ses deux parents. Les mésententes entre ses parents pourront le perturber et engendrer du stress. Le respect des routines de l’enfant par les deux parents facilitera grandement l’adaptation de l’enfant lors des transitions.

Les enfants de moins de 3 ans peuvent sembler s’adapter plus facilement aux déplacements et changements reliés à la séparation que les enfants de 3 à 5 ans, mais n’est pas nécessairement le cas. Le choc de la rupture est tout de même souffrant pour l’enfant de moins de 3 ans et même si les répercussions sont observées seulement plus tard, il faut adopter des mesures de protections immédiates qui auront des impacts sur les stades de développement ultérieurs, selon Judith Wallerstein[22].

Au-delà de l’âge de 3 ans, « l’enfant possède amplement les capacités cognitives et affectives pour que son attachement, s’il a été solidement établi durant les premières années de sa vie, ne soit pas compromis par le changement de résidence parentale à l’intérieur de courtes périodes incluant des couchers chez l’autre parent », souligne Francine Cyr, PhD[23].

Parents en conflits

Une grande prudence est de mise lorsque les parents sont en conflit ou que leurs communications sont déficientes.

Le Dr Yvon Gauthier recommande dans ces cas d’éviter la séparation d’avec la mère au moins jusqu’à 3 ans. Mais si les communications parentales sont élevées, de courtes périodes de séparations peuvent être bien tolérées, selon lui. 

Ajustement de la garde en fonction des besoins de l’enfant en bas âge

La fréquence et la durée des accès devront être ajustés en fonction des besoins de l’enfant. La sensibilité et la capacité des deux parents à décoder les signaux de l’enfant montrant un sentiment d’abandon, leur capacité à partager ces informations et à réconforter l’enfant lorsqu’il en a besoin feront une grande différence pour le développement harmonieux de l’enfant.

Lignes directrices concernant la garde et les accès

Le psychologue Frédéric Laterrière, dans son article intitulé L’attachement, la filiation, le besoin de l’enfant et la garde d’enfant 0-5 ans[24] a formulé les lignes directrices suivantes, en se basant sur l’état de la recherche, sur les types de gardes et d’accès à instaurer en fonction de l’âge de l’enfant.

Âge de l’enfant

Type de garde à instaurer

Accès par le parent non-gardien

0 mois – 6 mois

L’enfant devrait demeurer avec sa figure d’attachement principale et donneuse de soins (généralement la mère), surtout si l’enfant est allaité.

Maximum de trois (3) période d’accès par semaine pour une durée de maximale de 3 à 4 heures par période.

Aucun coucher.

7 mois – 18 mois

Même que pour l’enfant âgé de 0-6 mois.

Augmentation progressive des périodes d’accès jusqu’à 8 à 12 heures en même temps que l’enfant se sent de plus en plus en sécurité avec le milieu du parent non-gardien.

 

18 mois – 3 ans

Possibilité d’instaurer une garde partagée avec alternance 3/2/2/3 jours.

Les périodes d’accès pourront ensuite s’étendre de 14 à 24 heures avec des couchers chez l’autre parent ne dépassant pas 2 ou 3 jours. De courts appels par téléphone ou par visioconférence avec l’autre parent sont conseillés pour sécuriser l’enfant.

3 ans – 6 ans

Il est possible d’instaurer une garde partagée en alternance 5/2/2/5 jours.

L’enfant ne devrait pas passer 5 jours sans avoir de contact téléphonique ou par vidéoconférence avec l’autre parent.

6 ans et +

Une garde partagée en alternance 7/7 jours est possible.

 

 

Un cas type examiné par les tribunaux

Le jugement dans la cause D. (I.) c. P. (P.)[25] est un bon exemple d’un litige portant sur la garde d’un jeune enfant et illustre bien la démarche suivie par les tribunaux.

Dans cette affaire, les parents se sont séparés deux mois avant la naissance de leur petite fille prénommée T., en raison d’importantes difficultés de communication. L’enfant est âgé d’environ un an lors du procès portant sur sa garde.

Le père demande que l’enfant passe au moins trois nuits par semaine chez lui. Selon la mère, il est trop jeune pour être séparé d’elle aussi longtemps. En cour, chaque parent fait entendre, pour appuyer sa position, un psychologue réputé qui présente à la cour la littérature scientifique sur les effets de la séparation sur les jeunes enfants en bas âge et qui donne son opinion sur les modalités de garde appropriées pour cet enfant.

La parole aux experts

La psychologue du père dépeint la mère comme une personne portée à la confrontation qui exprime son animosité en cherchant à couper les liens entre le père et l’enfant. Pour elle, c’est une forme d’abus envers l’enfant, ce qui justifie que la garde soit confiée au père.

La psychologue de la mère écarte la garde partagée et recommande une garde à la mère, pour la stabilité de l’enfant, étant donné que celle-ci est le principal pourvoyeur de soins envers lui. Elle suggère de commencer par quelques visites du père par semaine, d’une durée de deux heures chacune et d’une demie-journée le samedi. Puis, à compter de 18 mois jusqu’à 27 mois, que la visite du père du samedi soit transformée en sortie de l’enfant pour environ 8 heures chez le père. Ensuite, jusqu’à 36 mois, elle conseille de prévoir des courtes visites le soir sur semaine et d’ajouter aux sorties du samedi un dimanche sur deux.

Garde partagée écartée

Le juge considère qu’il pourrait ordonner une garde partagée dans le présent litige, mais il l’écarte étant donné la grande difficulté des parents à communiquer et à s’entendre sur les décisions à prendre sur le bien-être de l’enfant. Il tient compte qu’ « il faut aussi se garder de conclure trop rapidement à un conflit insoluble dès le moment où l’une des parties s’oppose à la garde partagée. En effet, il est malheureusement trop simple pour l’ex-conjoint qui conteste la garde partagée de mettre en évidence, voire même de susciter, tous les différends qui peuvent l’opposer à l’autre parent et ainsi faire échouer la garde partagée à laquelle il s’oppose. Toutefois, avant qu’un juge impose une garde partagée, en l’absence d’une entente entre les parties, il doit s’assurer qu’elle a des chances de succès. » Même si les parents ont de l’amour pour leur enfant et la capacité de s’en occuper, le juge fait remarquer qu’il y a « peu d’indices ici qui permettent de croire qu’une garde partagée peut fonctionner de façon convenable, surtout pour un enfant de l’âge de T. ».

Ordonnance de garde exclusive avec accès progressifs

Après avoir discuté des rapports des expert produits par les parents et passé en revue la littérature scientifique notées dans ces rapports, le juge Maughan accorde la garde de l’enfant à la mère et des droits d’accès du père progressif jusqu’à l’âge de 5 ans, en s’inspirant du modèle présenté par la psychologue engagée par la mère :

De 12 mois à 18 mois :  des visites du père de 2 heures chez la mère ou dans le voisinage immédiat de cette dernière quelques jours par semaine; une demie-journée les samedis et une autre un dimanche sur trois.

De 18 mois à 24 mois : augmentation de la fréquence des accès du dimanche; sorties de l’enfant plusieurs jours consécutifs durant les vacances d’été et des fêtes, mais sans nuitées.

De 27 mois à 3 ans : augmentation de la durée et de la fréquence des accès de fins de semaine, avec plusieurs nuitées.

De 3 ans à 5 ans: une soirée, une fin de semaine sur deux étendue d’une journée s’il y a un congé pédagogique ou férié; la moitié du congé des fêtes avec nuitées, trois semaines non consécutives durant l’été pour la première année et quatre pour la deuxième.

Il ordonne à la mère de laisser le père seul pendant les accès qui se déroulent chez elle et recommande aux parents de consulter des intervenants psychosociaux « afin d’améliorer la communication entre elles et de leur permettre de mieux desservir les besoins de », l’enfant.

Pour une revue de la jurisprudence et plus de détails sur les recherches sur la garde des jeunes enfants, vous pouvez consulter l’article de Me Marie-Christine Kirouac, avocate, Les enfants en bas âge et ces ordonnances qui les concernent [26].

[1] Institut de la statistique du Québec, Enquête québécoise sur l’expérience des parents d’enfants de 0 à 5 ans 2015.

[2] (2000). The unexpected legacy of divorce. A 25 years landmark study. New York, Hyperion.

[3] A Response to Remarks by Judith Wallerstein on the Long-Term Impact of Divorce on Children, Family and Conciliation Courts Review, vol. 36, no. 3, juillet 1998, p.384 à la page 388.

[4] REJB 1998-10117, paragraphe 51.

[5] Pour en finir avec cette polémique autour de la garde physique partagée principalement pour les enfants de moins de six ans Francine Cyr La psychothérapie focalisée sur le transfert : Québec-New York, 2 e partie (1) et Débat : la garde partagée (2) Volume 33, Number 1, printemps 2008 URI: https://id.erudit.org/iderudit/018479ar DOI: https://doi.org/10.7202/018479ar, page 186.

[6] Interventions for Children of Divorce, Custody, Access, and Psychotherapy, New York, John Wiley & Sons, Inc. 1991, P. 112.

[7] REJB 1998-10117, paragraphe 51.

[8] Ibid. page 187.

[9] L’attachement, la filiation, le besoin de l’enfant et la garde d’enfant 0-5 ans,  Barreau du Québec. Service de la qualité de la profession. Développements récents en droit familial (2019), vol. 461, Montréal, Éditions Yvon Blais, 91-114.

[10] Le Dr Gauthier se spécialise dans le traitement des jeunes enfants de 0 à 5 ans et est, ou a été, membre du Comité aviseur des Centres de Jeunesse de Montréal sur l’hébergement des enfants de 0 à 5 ans depuis 1994.

[11] Idem.

[12] Idem.

[13] Idem.

[14] REJB 1998-10117, paragraphe 51.

[15] Idem.

[16] Idem.

[17] Idem.

[18] Idem.

[19] Ibid., p. 175.

[20] Ibid., p. 175 et s.

[21] Conducting Child Custody Evaluations, Thousand Oaks, Sage Publications, 1994, p. 33.

[22] The unexpected legacy of divorce. A 25 years landmark study. New York, Hyperion.

[23] Débat sur la garde partagée : vers une position plus nuancée dans le meilleur intérêt de l’enfant. Santé mentale au Québec 331 (2008): 235–251. DOI : 10.7202/018487ar.

[24] Déjà cité.

[25] REJB 1998-10117.

[26]Développements récents en droit de la famille 2013, volume 372, Service de la formation continue, Barreau du Québec, Éditions Yvon Blais.

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