Lors d’une séparation, un époux (marié selon le régime légal de la société d’acquêts) peut demander le partage des acquêts de l’autre. Comment s’effectue le calcul de la valeur des acquêts et comment se déroule ce partage?
Louis Baribeau, avocat et médiateur familial
Par où commencer?
Par choisir la date de partage. Car il s’agit de faire un portrait de la situation financière de vous et votre ex-conjoint à la date que vous aurez choisi d’un commun accord. En général, c’est la date à laquelle vous avez cessé de former un couple (séparation de fait) et de gérer vos finances comme un couple.
Comment trace-t-on nos portraits financiers?
Avec l’aide de votre conseiller juridique, vous :
- identifiez sur une feuille les biens des deux époux qui font partie du patrimoine familial pour les mettre à part; ils ne sont pas des acquêts partageables, mais obéissent à des règles différentes appliquées séparément (voir nos autres textes sur le patrimoine familial); il s’agit :
- des résidences de la famille (y compris, les chalets, roulottes, bateaux habitables, etc.);
- des meubles meublants ou ornant les résidences familiales et qui servent à l’usage des résidences;
- des véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille (automobiles, 4 roues, motoneiges, motos, bateaux, etc.);
- des régimes de pension;
- sur une feuille identifiée à votre nom, délimitez deux colonnes; sur une deuxième feuille au nom de votre ex-conjoint, délimitez aussi deux colonnes;
- sur la première colonne de votre feuille, faites la liste de tous les biens de valeur (autres que ceux du patrimoine familial) dont vous étiez propriétaire à la date que vous avez choisie d’un commun accord; sur la feuille de votre ex-conjoint, faites de mêmes pour les biens (autres que ceux du patrimoine familial) dont il était propriétaire à la même date;
- sur chacune des feuilles, transposez sur la 2ième colonne, tous les biens de la première colonne qui étaient acquêts;
- à côté de chaque acquêt, indiquez sa valeur marchande nette (en soustrayant de sa valeur les dettes reliées à ce bien et les impôts à payer s’il devait être liquidé);
- ensuite, additionnez, pour chaque époux, les valeurs nettes des acquêts de chaque époux pour en établir la masse;
- calculez les récompenses :
- aux acquêts (lorsqu’une partie de la valeur d’un bien propre doit être transférée à la masse des acquêts) ou;
- aux propres (lorsqu’une partie de la valeur d’un bien acquêts doit être transférée à la masse des propres);
- les récompenses servent à compenser l’enrichissement de la masse des propres au profit des acquêts ou vice versa; elles ont lieu, par exemple, lorsqu’un bien propre a été acquis en partie avec des biens acquêts ou un bien acquêts acquis en partie avec des biens propres.
Comment déterminer la valeur des acquêts?
On se base sur la valeur marchande. C’est le prix qui sera obtenu si vous mettez le bien en vente libre.
Pour les immeubles, tels les immeubles commerciaux ou locatifs, si vous ne vous entendez pas sur la valeur marchande, demandez l’opinion d’un évaluateur agréé qui se basera sur des critères de vente objectif, comme la valeur des transactions récentes sur des maisons semblables dans votre quartier. Vous pouvez convenir de partager les frais de ce professionnel. Si vous convenez de mettre l’immeuble en vente pour en effectuer le partage, sa valeur sera établie ultérieurement par son prix de la vente.
La valeur des placements est généralement établie entre autres moyens par les relevés de placements à la date retenue pour le partage.
Doit-on soustraire de la valeur d’un acquêt, le montant du solde de la dette qui lui est reliée?
Oui, par exemple, le prêt hypothécaire relié à un immeuble commercial ou l’emprunt pour investir dans des placements.
Dois-je tenir compte des impôts payables lors de la vente éventuelle du bien?
Oui. On établit leur valeur comme si on les liquidait. Or s’ils ont pris de la valeur entre leur acquisition et leur vente, un impôt sur le gain en capital sera prélevé. Par exemple, l’impôt sur le gain en capital, pour un immeuble (comme un immeuble commercial) ou pour les actions de compagnie. Il serait injuste de ne pas tenir compte de ces impôts, car ils diminuent la valeur de la valeur à partager.
Un de mes biens a pris de la valeur, dois-je en tenir compte?
Oui. On détermine sa valeur à la date retenue d’un commun accord pour le partage et non au moment où il a été acquis. L’augmentation est donc incluse dans la valeur du bien.
Si un bien a perdu de la valeur, dois-je considérer cette moins-value?
Oui, on inscrit la valeur des biens à la date établie de concert pour le partage. Si la valeur a diminué depuis l’acquisition, on inscrit donc la valeur diminuée.
Qu’en est-il des dettes générales que je ne peux pas relier à un bien en particulier, mais qui sont à mon nom?
Vous faites références, sans doute, aux prêts personnels, aux marges de crédit d’un époux ou aux soldes de cartes de crédit, par exemple. Ces montants doivent être soustrait du total de la masse des acquêts de l’époux qui a contracté cette dette, si elles ne sont pas reliées à un bien en particulier.
Suis-je obligé de prendre la moitié des acquêts de mon ex-conjoint?
Non. Vous êtes libre d’accepter le partage de ses acquêts ou d’y renoncer. De même pour lui, à l’égard de vos acquêts.
Comment puis-je renoncer à la moitié des acquêts de mon ex-conjoint?
Cela peut être fait dans un acte notarié, mais généralement la renonciation est inscrite dans votre Convention sur mesures accessoires, dans votre Projet d’accord ou dans une déclaration faite à la cour. Pour que la convention prenne plein effet, elle devra être homologuée dans un jugement de séparation de corps ou de divorce. De plus, si la renonciation porte sur tous vos acquêts, elle devra être inscrite au Registre des droits personnels et réels mobiliers (RPDRM), au plus tard un an après la dissolution du mariage.
Mon conjoint m’a caché une partie de ses acquêts, quels sont mes droits?
Vous pouvez refuser le partage de vos acquêts à un conjoint qui a diverti ou recelé ses acquêts. Consultez un avocat.
Mon époux a dilapidé ses placements, que puis-je faire?
Vous pouvez refuser le partage de vos acquêts au conjoint qui a dilapidé ou administré de mauvaise foi ses acquêts, par exemple, s’il a joué son CELI au casino. Consultez un avocat.
Comment se fait le partage des acquêts?
Une fois établie la valeur de la masse des biens acquêts de chaque époux (tenant compte des dettes, de l’impôt à payer et des récompenses), on établit la différence entre les deux. L’époux qui a la valeur la plus faible a le droit de réclamer une compensation pour la moitié de la différence, de manière à égaliser la valeur des acquêts de chacun.
La compensation doit en principe se faire en argent, mais l’autre ex-conjoint peut accepter de se faire transférer la propriété d’un bien à la place.
Que puis-je faire, si je n’ai pas les liquidités pour verser cette compensation ?
Plusieurs solutions s’offrent à vous, notamment:
-emprunter le montant;
-vendre certains de vos biens pour vous procurer l’argent nécessaire;
-demander à votre ex-conjoint de vous accorder un délai de paiement ou d’effectuer le paiement en plusieurs versements.
Conseil aux ex-conjoints en ce qui concerne la gestion des acquêts
À l’époux qui est tenté de s’immiscer dans la gestion des acquêts de l’autre après la séparation
Par exemple, en utilisant les placements de l’autre conjoint pour payer des dépenses personnelles. L’autre époux a alors le droit de refuser de lui céder sa part des acquêts. Cependant, simplement administrer les acquêts du conjoint n’est pas considéreé comme une immixtion.
À celui qui est tenté de donner ses acquêts peu avant de se séparer pour ne pas en partager la valeur
Un époux ne peut donner ses acquêts sans l’autorisation de l’autre, sauf donner des biens de peu de valeur ou des cadeaux d’usage. S’il était possible de donner ses acquêts, cela empêcherait injustement l’autre époux d’en partager la valeur.