Après une séparation ou un divorce, comment se prennent les décisions pour répondre aux besoins de l’enfant?

Par Me Louis Baribeau, avocat et médiateur familial

Chaque parent a le devoir, selon le Code civil du Québec, de nourrir son enfant, l’éduquer et répondre à ses différents besoins. Il lui revient donc de prendre de nombreuses décisions à son sujet.

Sur quoi les parents doivent-ils baser leurs décisions?

Les décisions doivent être guidées, non par leurs intérêts personnels, mais par celui de l’enfant.  

Il doit le consulter à partir de l’âge de raison, c’est-à-dire 7 ans environ, ou dès qu’il est en mesure de comprendre ce dont il s’agit et d’exprimer son désir. Ce désir aura d’ailleurs de plus en plus de poids sur les décisions des parents à mesure qu’il avance en âge.

Quel parent décide pour l’enfant après la séparation ou le divorce?

Bien qu’il soit généralement préférable que les deux milieux de vie des enfants soient harmonisés, chaque parent est libre de décider du fonctionnement de sa maisonnée et de ce qui, au quotidien, est dans l’intérêt de son enfant, lorsqu’il est avec lui.

Ainsi certaines décisions mineures reliées au milieu de vie de l’enfant sont prises par le parent pendant son temps parental. Il s’agit de la routine quotidienne, comme les heures de coucher ou de repas, l’habillement, les sorties, les fréquentations l’hygiène personnelle ou les activités de loisir familiales ou individuelle pendant qu’il est avec ce parent.                 

En revanche, les décisions majeures relèvent de la responsabilité des deux parents, comme le choix de la garderie ou de l’école, le lieu de résidence de l’enfant, le partage du temps parental, la langue, l’éducation religieuse ou spirituelle, les activités culturelles, sportives ou scolaires de l’enfant en dehors du milieu familial qui empiètent sur le temps de l’autre parent ou dont les coûts sont partagés entre les parents, ainsi que les décisions importantes au sujet de sa santé.         

Ces décisions majeures sont prises conjointement par les deux parents, même après la séparation. Aucun parent ne peut imposer son point de vue à l’autre.

Les conjoints peuvent se séparer, mais pas les parents. La prise de décision commune après la séparation requiert le maintien d’un lien de communication pour partager les informations importantes au sujet de l’enfant et se concerter sur les décisions importantes.

L’enfant peut-il prendre seul certaines décisions au sujet de sa santé?

Oui, mais à compter de 14 ans et pour les soins requis par son état de santé. Ce sont notamment les décisions de se faire avorter, les prises de sang, l’alimentation, la médication (incluant la prise de contraceptif), l’hospitalisation, les chirurgies esthétiques requises par son état de santé (par exemple, à la suite d’une brûlure, d’un accident ou d’une malformation), l’alimentation ou une consultation dans le domaine de la santé ou auprès d’un intervenant psychosocial.

Un jeune de 14 ou plus a le droit de refuser seul tout type de soins, requis ou non par son état de santé. Il a aussi le droit de consulter son dossier médical et peut, à cet âge, refuser que ces parents aient accès à ce dossier. Cependant, s’il demeure plus de 12 heures dans un établissement de santé ou de services sociaux, ses parents en seront avisés.

En revanche, les parents ont seule autorité, même après ses 14 ans, pour décider d’un soin qui présente un risque sérieux pour l’enfant ou qui peut lui causer des effets graves et permanents. Il leur revient d’autoriser les tatouages ou les chirurgies esthétiques non requises par l’état de santé.

L’autre parent peut-il m’empêcher de voyager avec mon enfant?

Un parent est libre de faire des activités avec l’enfant en autant bien sûr que ces activités soient raisonnables et sécuritaires. Il peut donc voyager avec l’enfant sur son temps de garde ou ses périodes d’accès. De plus, il est normal de consentir des accommodements raisonnables au calendrier ou horaire de garde pour permettre à l’enfant de voyager avec un de ses parents.

Un parent peut exiger de connaitre l’adresse où résidera l’enfant pendant le voyage, car il pourrait s’opposer à un voyage dans une destination dangereuse. Il a aussi le droit d’avoir accès à un moyen pour communiquer avec l’enfant pendant le voyage.

Lorsque le voyage est à l’étranger, il est fortement recommandé d’emporter une lettre d’autorisation de voyage signée par l’autre parent, qui peut être demandée par les autorités douanières au départ ou au retour. Elle doit inclure des informations générales, telles que le nom de l’enfant, l’endroit où le parent et l’enfant résideront, les dates du séjour et l’autorisation de l’autre parent. (Voir le modèle sur le site du Gouvernement du Canada: https://voyage.gc.ca/docs/child/consent-letter_lettre-consentement-fra.pdf.)

Les parents sont tenus de collaborer pour la demande de passeport de l’enfant et pour la lettre de consentement au voyage.

Qui conserve les passeports des enfants?

Lorsque le passeport est délivré, c’est généralement le parent qui a la garde exclusive qui le conserve avec lui. En garde partagée, les deux parents devront s’entendre et décider qui le détiendra.

Y-a-t-il des limites aux punitions à donner à nos enfants ?

Le Code criminel[1] impose une limite aux parents quant à la correction physique. La force utilisée lors d’une punition corporelle doit être raisonnable et servir réellement à discipliner son enfant. L’enfant doit aussi être en mesure de comprendre pourquoi il reçoit cette punition.

Les punitions suivantes ne sont pas permises au Canada, peu importe les circonstances :

  1. Les châtiments corporels avec des objets comme une ceinture ou une règle;
  2. Ceux qui peuvent causer des blessures;
  3. Les gifles et les coups à la tête;
  4. Les traitements dégradants ou inhumains;
  5. Toute punition corporelle sur un enfant de moins de deux ans;
  6. Toute punition corporelle sur un adolescent.

Conseils aux ex-conjoints

À celui qui est déjà impliqué dans les décisions

  1. Partagez avec l’autre parent toute information importante au sujet des enfants;
  2. Prévenez l’autre parent d’avance, si possible, de toute décision importante à prendre;
  3. Avant toute décision importante, donnez-lui la possibilité de s’exprimer.

Agissez ainsi même si l’autre parent ne fait pas de même avec vous, n’est pas impliqué dans les décisions à prendre ou dans la vie de l’enfant ou même s’il ne vous questionne pas sur l’enfant. Ainsi, advenant un litige, il ne pourra tenter de faire valoir que vous l’avez tenu à l’écart.

Faites cela par courriel si vous craignez un litige éventuel, pour garder des preuves de vos communications avec lui.

À celui qui doit s’impliquer davantage dans les décisions

  1. Impliquez-vous auprès de l’école ou de la garderie en participant aux activités comme les réunions avec les professeurs;
  2. Inscrivez-vous sur le portail de l’école (ou organismes de loisirs ou sportifs) pour avoir accès aux bulletins et autres informations sur votre enfant;
  3. Accompagnez l’enfant à ses rendez-vous médicaux;
  4. Ne vous fiez pas sur l’enfant pour vous tenir informé. Maintenez des communications cordiales avec l’autre parent et demandez-lui occasionnellement s’il y a des informations importantes que vous devez connaître;
  5. Si l’autre parent ne vous communique pas toute l’information importante au sujet de l’enfant, exigez par courriel, que cela soit fait;
  6. En cas de difficulté à obtenir de l’information importante de l’autre parent, de l’école, garderie ou autre, consultez un avocat spécialisé en droit de la famille, pour connaître vos droits et recours.

À l’ex-conjoint qui juge nécessaire de se prémunir contre des décisions unilatérales de l’autre parent

Avertissez par courriel l’école, les organismes de loisir, le médecin, l’intervenant psychosocial, etc. que l’autre parent n’est pas autorisé par vous à prendre seul des décisions importantes au sujet de votre enfant et que vous devez tous les deux y participer. En effet, selon le Code civil du Québec[2], sans un tel avis, les responsables des milieux scolaires ou de loisir ou les professionnels peuvent présumer qu’un parent a obtenu l’accord de l’autre.

Aux ex-conjoints en désaccord

  1. Dialoguez

Il est dans l’ordre des choses que les parents ne soient pas toujours d’accord et il est courant d’avoir à échanger, même longuement, pour trouver une solution.

Le refus de dialoguer n’est pas une stratégie menant à une solution (bien que dans les cas d’harcèlement ou de violence verbale psychologique ou physique, ce soit le seul chemin à suivre). Cela fait traîner le conflit en longueur ou l’envenime, ce qui est néfaste pour les enfants. (Voir l’article sur le conflit de loyauté.)

  1. Ne vous attendez pas à une solution parfaite

Il est rare qu’un litige soit solutionné à la pleine satisfaction des parents. Des compromis sont nécessaires, qu’ils viennent des deux parents ou d’un seul. Si votre entente est imparfaite, il est normal qu’elle vous laisse avec un certain sentiment d’injustice. Mais une entente imparfaite est bien mieux que pas d’entente du tout.

  1. Recourez à l’aide de professionnels

Prenez conseil auprès d’un avocat pour connaître vos droits, vous conseiller quant aux stratégies de négociations à mettre en oeuvre, aux décisions à prendre ou aux concessions à faire ou à exiger de l’autre parent.

Acceptez de participer à des séances de médiation si l’autre partie vous le propose. Proposez vous-même de participer à des séances de médiation, si vos communications sont difficiles ou si votre dialogue n’aboutit pas à une solution acceptable.

Si la médiation n’a pas donné de résultat, demandez à votre avocat de négocier avec l’avocat de l’autre parent.

  1. Utilisez les tribunaux seulement en dernier recours.

L’entente hors cour est le mode normal de règlement d’un conflit. On ne devrait recourir aux tribunaux que si :

  • on a épuisé tous les modes de résolution du conflit sans succès: dialogue, médiation et négociation entre avocats, et;
  • le compromis qui nous est demandé est inacceptables, ou;
  • l’autre partie refuse de négocier ou de collaborer.

[1] Article 43.

[2] Article 603 « À l’égard des tiers de bonne foi, le père ou la mère qui accomplit seul un acte d’autorité à l’égard de l’enfant est présumé agir avec l’accord de l’autre. »

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